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    Le discours de Manon à l’ouverture de l’AJC Festival !

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    2024 / 03 / 05

    Manon, membre du Forum des Jeunes, a ouvert les prises de parole des jeunes lors de la soirée d’ouverture de l’AJC Festival le 21 février 2024.

    Voici son texte, qui nous a beaucoup touché ♡

     

    À 12 ans, j’ai fui

    J’avais une présentation orale à l’école,

    Devant toute la classe

    J’étais pétrifiée.

    L’année suivante, je demandais à mes parents pour prendre des cours de théâtre : 

    C’est décidé, je veux pouvoir parler devant un public et m’exprimer, 

    Sans crainte ni peur de celles et ceux qui me regardent et m’écoutent.

    Je découvre la joie du théâtre, de l’expression, de l’appropriation d’un texte, d’une idée et de la retransmettre.

    Je pense à mon premier prof de théâtre, 

    Qui m’a poussé à bout en m’obligeant à monter sur scène et à improviser. 

    Je détestais ça. Je déteste toujours. 

    Mais aujourd’hui, je ne peux que le remercier. 

    Je ne serais peut-être pas là où je suis s’il n’avait pas été là, sur mon chemin. 

    À l’école, c’est censé être l’endroit neutre où les élèves peuvent apprendre, découvrir et s’exprimer. 

    Pourtant, quand j’étais ado, je n’avais qu’une envie : 

    Fuir cet endroit où les discriminations et le harcèlement y battent leur plein,

    Où on ne nous demande pas notre avis pour réformer un système qui en a bien besoin. 

    À 16 ans, j’engage le débat politique à table.

    Je me sens chanceuse. Je suis même privilégiée et j’en suis consciente : 

    Le débat, au dîner, le soir, est ouvert, dynamique, enflammé et puissant. 

    On regarde le journal en famille et on s’exprime : 

    Mais c’est quoi ces politiques qui ne font rien ?

    En 2020, j’ai 20ans et je décroche, totalement. 

    J’crois que je n’ai pas besoin de vous rappeler pourquoi.

    La même année, par hasard, je découvre le principe « pour les jeunes par les jeunes ». 

    Le Forum des Jeunes m’ouvre ses portes et je découvre les joies de l’engagement,

    Dans un cadre démocratique et participatif,

    Adapté au quotidien de la jeunesse.

    Je découvre que je suis capable d’animer un atelier, un focus group, un débat. De consulter d’autres jeunes. De faire un micro-trottoir. De construire un plaidoyer. De parler à la radio. De rencontrer des politiciens et politiciennes et défendre mon avis.

    Je découvre, tout simplement, 

    Que je suis capable de m’exprimer librement, 

    Que c’est déjà une chance.

    Je découvre que je ne suis pas toute seule, à vouloir du changement.

    Je rencontre d’autres jeunes, qui viennent d’autres endroits, 

    Qui m’apprennent plein de choses.

    J’ai l’impression d’être dans une bulle,

    La bulle de l’engagement,

    D’un collectif qui s’élève 

    Quand j’en sors, la réalité est toute autre. Elle n’est plus la même.

    Malgré tout, parfois, l’incertitude est trop grande. 

    Le quotidien est trop difficile. 

    J’ai plus envie de m’investir, de participer. 

    Parfois, j’ai plus d’énergie pour tout ça. 

    C’est normal et c’est ok. 

    À bientôt 24 ans, j’ose crier haut et fort : 

    J’en ai marre de découvrir des photos de politique, 

    Voter une charte symbolique pour faire intervenir davantage les jeunes dans les prises de décision politique. 

    Encore une fois, ce n’est que du vent.

    Je veux du concret. Du vrai.

    Je veux qu’ils et elles viennent dans les écoles, 

    Découvrent la réalité singulière des jeunes. 

    Découvrent la discrimination et l’élitisme qu’on vit au quotidien. 

    Qu’ils et elles prennent le temps de discuter avec nous. 

    Je veux qu’ils et elles se rendent compte qu’arriver sur le marché de l’emploi, aujourd’hui, en nous demandant d’être ultra compétent et expérimenté, c’est difficile. 

    Le système n’est pas fait pour que ça soit le cas. 

    Avec du recul, j’aurais voulu apprendre à mieux m’exprimer grâce à l’école. 

    Que l’école soit vectrice d’expression et de parole libre. 

    Un peu comme l’événement que nous allons inaugurer ce soir.

    À bientôt 24 ans, j’ai peur du monde de demain. De l’incertitude. De l’angoisse du futur, qui est grandissante. 

    C’est une réalité que nous vivons en tant que jeune aujourd’hui.

    Pour ça, je veux que notre voix soit prise en compte avant de prendre une décision qui nous concerne.

    Je veux être entendue. Je veux qu’on soit toutes et tous entendus. 

    Pour atteindre ce but, il faut qu’on nous apprenne à nous exprimer. À débattre. À opposer nos idées. À faire entendre haut et fort ce qui ne va pas. À comprendre le système dans lequel on se trouve pour pouvoir mieux rebondir et contredire.

    Participer dans un mon incertain, c’est le parcours d’une vie. Un apprentissage. Une découverte. Le hasard d’une rencontre qui fait tout basculer. Le hasard d’une rencontre qui m’a fait prendre conscience que ma voix, sur cette scène, devant vous, est légitime.

    Que votre voix est légitime aussi.

    Participer, c’est avoir les clés pour être entendu et entendue. Pour s’exprimer. Librement et simplement.

    Participer, en tant que jeune en 2024, c’est aussi attendre du changement. 

    Se rassembler, collectivement, avec d’autres que sa propre pensée et se dire : 

    Non, je ne suis pas toute seule à vouloir faire changer les choses.

    Participer dans un monde incertain, 

    C’est comme attraper une bouée,

     Et remonter à la surface de ce monde qui m’étouffe chaque jour un peu plus.