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    Où en est l’ONU pour le développement durable ?

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    2019 / 08 / 22

    Launy, jeune déléguée ONU pour le développement durable a participé pendant deux semaines en juillet au HLPF à New-York. Elle a représenté les jeunes belges francophones devant les Nations Unies. Expérience intense, enrichissante,… elle vous raconte ses hauts et bas dans cet article.

    Le HLPF… tu nous rappeles ce que c’est et ton rôle là-dedans ?

    Dans le cadre mon mandat de jeune déléguée ONU en développement durable du Conseil de la Jeunesse, j’ai pu, avec mon homologue néerlandophone Flore De Pauw, intégrer officiellement la délégation belge au Forum Politique de Haut niveau, plateforme mondiale sur le développement durable mis en place par les Nations Unies en 2013.

    Chaque année en juillet, cet évènement permet de réunir des représentants des Etats, des experts et des membres de la société civile venus des quatre coins du monde pour parler des succès, des défis et des enseignements tirés de la réalisation des Objectifs de développement durable.

    Comment peut-on mesurer la progression du développement durable dans les différents pays ?

    Pour mesurer l’état d’avancement en matière de développement durable dans chaque pays, le Forum comprend deux types d’examens :

    Premièrement, chaque année, une série d’ODD sont sélectionnés et passés en revue la première semaine. Cette année, les 6 thèmes abordés étaient :

    • Education de qualité (OOD 4)
    • Travail décent et croissance économique (ODD 8)
    • Inégalités réduites (ODD 10)
    • Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques (ODD 13)
    • Paix, justice et institutions efficaces (ODD 16)
    • Partenariats pour la réalisation des objectifs (ODD 17).  

    Différentes tables de discussion (side-events) sont organisées au cours desquelles des experts sont invités à expliquer l’état d’avancement des thèmes abordés dans leur pays respectif.  

    La thématique du travail décent (ODD 8) étant abordée cette année, Flore et moi avons organisé un side-event sur la mode éthique et durable au sein de la Représentation permanente de la Belgique à l’ONU.

    Pour rappel, nous avons axé notre travail sur l’industrie du textile, car il s’agit de la deuxième industrie la plus polluante au monde avec des conséquences environnementales et sociales importantes. Ce site-event était donc l’occasion de présenter les résultats de l’enquête effectuée auprès les jeunes avant de partir et surtout parler d’alternatives concrètes pour un changement de consommation vestimentaire.

    Deuxièmement, lors de la deuxième semaine, dite Semaine de haut niveau des ministres ou des secrétaires d’État ont présenté des rapports volontaires, les Revues nationales volontaires (VNR). Ces rapports permettaient de décrire l’état d’avancement des objectifs de développement durable dans leur pays.

    Personnellement, J’ai été assez déçue par ce deuxième type d’examen. Les discours sont fort généraux, répétitifs et manquaient pour beaucoup de concret. J’avais parfois la sensation d’assister à un spot publicitaire, plutôt qu’à une réelle évaluation objective.

    Je trouve cela dommage que les pays manquent d’honnêteté pour ce type d’évaluation et j’espère que cette partie sera réformée dans le futur.

    Durant le HLPF, être jeune déléguée ONU, ça se concrétise comment ?

    Lors de cette rencontre internationale, mon rôle était légèrement différent de ce que je fais au niveau national. En Belgique, j’ai pour mission d’aller à la rencontre des jeunes afin de récolter leurs préoccupations alors qu’au HLPF, j’ai plus exercé un rôle de « lobby  jeunes ». Je voulais vraiment axer mes plaidoyers sur l’importance d’intégrer des jeunes au sein des institutions internationales et la nécessité d’être davantage écouté.

    D’ailleurs, pour être entendu, il est  important d’avoir des « alliés ». C’est pourquoi avec Flore, nous avons collaboré un maximum avec les autres jeunes délégués européens. Parler d’une seule voix permet d’appuyer nos préoccupations communes.

    L’exemple le plus concret de notre démarche pro-active a été la rédaction d’un rapport reprenant nos idées communes, en vue de la réforme du Forum en septembre. Nous avons remis ce rapport en personne à María Fernanda Espinosa, Présidente de l’Assemblée générale des Nations-Unies, ainsi que S.E. Inga Rhonda King, Présidente du Conseil économique et social. En espérant que nous serons écoutés.

    Que peux-tu tirer comme conclusion en matière d’accomplissement des ODD ?

    Quatre années se sont déjà écoulées depuis que les Etats membres de l’ONU ont adopté les Objectifs de Développement Durable. Pour rappel, ces 17 objectifs représentent le plan directeur pour un monde meilleur en 2030 et sont subdivisés en 169 sous-objectifs qui nous indique la voix à suivre pour un monde plus durable.

    Au rythme auquel nous avançons actuellement, je crains que nous n’atteignons pas le plan fixé d’ici 2030. Certes, il y a certaines avancées, mais tout le processus est beaucoup trop lent. L’engagement des états reste clairement insuffisant.  En quatre ans, des régressions sont même constatées en matière de malnutrition ou encore de changement climatique…

    Cette année est une déterminante pour le futur puisqu’aura lieu en septembre la réforme du Forum. Pour être honnête, je mise beaucoup sur cette réforme et j’espère y voir un processus d’examen à la hauteur des objectifs que nous devons atteindre d’ici 10 ans.

    Quels seraient selon toi les deux priorités à atteindre d’ici 10 ans ?

    Sans hésiter, ce serait premièrement des rapports plus ambitieux. Je savais que les VNR (Revues nationales volontaires) étaient présentées sur base volontaire, mais j’étais étonnée de les voir aussi sélectifs et généralistes. Les discours que j’ai entendus ne décrivaient que les aspects positifs, ce qui ne leur donnait pas beaucoup de crédibilité. Selon moi, si l’on veut réellement mesurer l’état d’avancement des différents états en matière de développement durable, il faut des rapports beaucoup plus concrets et contraignants.

    Ensuite, il faudrait une représentativité plus équilibrée des jeunes et de la société civile. La représentation des jeunes est primordiale durant ce type d’évènement puisqu’on y parle surtout de l’avenir de notre planète et des défis auxquels nous allons faire face ces prochaines années. Or, nous ne sommes clairement pas assez représentatifs de l’ensemble des jeunes. Il faut se rendre à l’évidence, le programme coûte cher et beaucoup de pays en voie de développement ne disposent pas des ressources financières pour inclure les jeunes dans leurs délégations. D’ailleurs, la Présidente du Conseil économique et social,  S.E. Inga Rhonda King, l’a bien souligné: si nous voulons avoir un réel impact en tant jeunes, nous devons avoir une représentation plus équilibrée, incluant beaucoup plus de jeunes délégués des pays du Sud.

    J’ai vraiment pour projet avec Flore de demander à ce que l’on puisse soutenir financièrement le programme de jeunes délégués ONU à un ou plusieurs représentant jeunes du Sud, comme le font actuellement nos homologues des Pays-Bas et d’Allemagne.

    Il en va de même pour les acteurs de la société civile qui ne sont pas assez écoutés alors qu’ils sont les premiers acteurs actifs sur le terrain pour la réalisation des ODDs.

    En conclusion, le HLPF pour toi c’était ?

    C’était une expérience incroyable. ’ai adoré participer à ce Forum et j’en garde de très bons souvenirs, mais je reste convaincue que le réel changement s’opère également dans nos habitudes quotidiennes. C’est pourquoi je suis plus que jamais déterminée à m’investir davantage dans la promotion d’une consommation responsable afin que chaque jeune puisse sentir qu’à son échelle, il peut lui aussi être acteur du changement.

    Je conclurais sur l’importance de rester optimiste pour le futur !