Avis officiels et positions

    POSITIONS DU CONSEIL DE LA JEUNESSE PAR RAPPORT A LA PROBLEMATIQUE DES NUMEROS INAMI

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    2014 / 12 / 12

    Dans son plan d’Action 2014-2015, le Conseil de la Jeunesse a fait de l’accès à des soins de
    santé de qualité une de ses priorités. A l’heure actuelle, alors qu’une véritable crise caractérise
    le quotidien de nos facultés de médecine suite à l’inadéquation entre le nombre de diplômés
    médecins et dentistes et le nombre de numéros INAMI disponibles, la question de la sélection
    et en particulier de l’examen d’entrée revient à l’avant plan. De plus, bien plus qu’un débat
    corporatiste, la question du contingentement fédéral et de ses répercussions sur le nombre de
    praticiens actifs concernent l’ensemble de la population puisque ces politiques impactent
    directement l’accès aux soins de santé. C’est à cet effet que le Conseil de la Jeunesse, organe
    officiel porte-parole des 400.000 jeunes francophones tient à se positionner clairement sur la
    problématique.

    Problématique fédérale


    Les quotas fédéraux actuellement en place ont été fixés en 1997 et lissés en 2008 sans jamais
    tenir compte de la féminisation, de l’activité réelle des médecins et dentistes, de l’âge des
    praticiens actifs, et du vieillissement de la population et de l’augmentation des besoins qui
    l’accompagnent. Ceux-ci se basaient en l’occurrence sur le nombre de médecins agréés dans
    notre pays, à savoir 42.000. C’est seulement en 2008 qu’ont été publiés les résultats de la
    première partie du cadastre de l’offre médicale en médecine générale, révélant une pénurie de
    praticiens actifs contrastant avec la sévérité des quotas fédéraux fixés 11 ans auparavant. En
    regard de ces quotas fédéraux, les communautés ont été invitées à instaurer un système de
    sélection pour éviter l’inadéquation entre le nombre de numéros INAMI disponibles et le
    nombre de diplômés. La Flandre a instauré un examen d’entrée pendant que la communauté
    française instituait et supprimait divers systèmes de sélection (décret « Dupuis » et décret
    « Simonet »). La situation actuelle est caractérisée par un petit excédent d’étudiants en
    Flandre et un important excédent d’étudiants en Fédération Wallonie-Bruxelles, ces derniers
    étant menacés, actuellement, de ne pas pouvoir exercer leur métier au terme du cursus.

    En regard de ces différents éléments factuels, le Conseil de la Jeunesse tient à rappeler ses
    différentes positions :

    1. La planification est un processus technique et politique qui implique une vision claire
    des besoins en soins de santé pour les prochaines décennies. Nous demandons donc
    l’opérationnalisation rapide du cadastre des spécialités ainsi qu’une mise à jour
    du cadastre de médecine générale de façon à planifier des quotas pour les
    prochaines décennies en tenant compte de :
    I) l’activité réelle de nos médecins
    II) la féminisation
    III) la moyenne d’âge des praticiens actifs (dans les médecins encore en activité,
    34.4 % des généralistes sont âgés de plus de 60 ans et 42.8% des spécialistes
    ont plus de 55 ans1)
    IV) la répartition géographique des praticiens actifs
    V) le vieillissement de la population
    Véritable « pierre angulaire » des solutions qui peuvent être apportées, ces
    informations cadastrales permettront :
    I) A court terme : de justifier la nécessité pour chaque diplômé d’obtenir un numéro
    INAMI par la mise en évidence d’une pénurie objectivée dans différents secteurs de
    la santé. En effet, vu les résultats préliminaires étudiant la pénurie dans diverses
    spécialités, il nous paraît évident que la société a besoin que ces étudiants en cours
    de cursus puissent exercer leur métier et remplacer leurs ainés. Une piste pouvant
    être également explorée est la reprise des numéros INAMI des médecins partis exercer
    à l’étranger et n’exerçant plus dans notre pays.
    II) A moyen et long terme : d’adapter les quotas fédéraux en fonction des résultats des
    cadastres, réalisant ainsi une planification de l’offre médicale en accord avec les
    besoins du terrain.

    2. Une augmentation des moyens intra-hospitaliers dans les critères de maître de
    stage : la problématique des maîtres de stage est passée sous silence depuis le début
    des actions mais est tout aussi interpellante que celle des INAMI. En effet, même si la
    problématique de l’INAMI trouve solution rapidement, un grand nombre de
    futurs médecins ne pourront pas se spécialiser faute de maîtres de stages
    reconnus comme tels par le SPF Santé Publique. Afin d’augmenter le nombre de
    places de formation disponibles pour les jeunes médecins, nous revendiquons la mise
    en place de différents moyens (financiers ou autres) incitant les médecins à rentrer
    dans ces critères et devenir maîtres de stage. Ce point est soutenu par l’accord de
    gouvernement mais nous attendons sa concrétisation. Par ailleurs d’autres pistes
    pourraient être explorées telles que la possibilité pour un maître de stage
    intrahospitalier de superviser des candidats spécialistes inscrits dans d’autres
    spécialités médicales proches de la sienne (exemple : médecine interne et urgences,
    chirurgie générale et traumatologie).

    Problématique communautaire


    La planification de l’offre médicale et les quotas qui en découlent (compétence fédérale)
    impliquent l’instauration d’un système de régulation au cours des études de médecine
    (compétence communautaire). A ce titre, et comme développé dans l’introduction, divers
    systèmes de sélection ont été instaurés puis supprimés en communauté française laissant libre
    accès aux étudiants en médecine et dentisterie alors que ceux-ci font l’objet d’un
    contingentement à la sortie. Plus que jamais, à l’heure actuelle, en regard de la situation
    kafkaïenne dans nos facultés de médecine, la question d’un système de régulation revient à
    l’ordre du jour et ce, même si nous n’avons toujours aucune adaptation des quotas fédéraux en
    fonction des besoins.
    Concernant l’instauration d’un examen d’entrée, nous tenons tout d’abord à faire part de
    notre étonnement quant à l’instrumentalisation que font les défenseurs de l’examen
    d’entrée par rapport à la problématique fédérale des numéros INAMI. Beaucoup tentent
    de présenter l’examen d’entrée comme la « pilule miracle » face à la problématique des
    numéros INAMI et des quotas fédéraux alors que dans l’optique où une sélection serait
    nécessaire en regard des besoins et de la présence d’une éventuelle surpopulation en faculté
    de médecine, diverses pistes existent, autres que l’examen d’entrée.

    L’examen d’entrée


    Après débat au sein de son Assemblée Générale, le Conseil de la Jeunesse s’oppose avec
    force à l’examen d’entrée pour plusieurs raisons :
    1. Notre système d’enseignement supérieur est, selon les études de l’OCDE, un des
    systèmes les plus inégalitaires d’Europe2. L’hétérogénéité existant entre les diverses
    écoles secondaires est alarmante et ne confère pas aux étudiants sortant de
    l’enseignement obligatoire la même préparation pour affronter l’enseignement
    supérieur.
    2. La réussite à l’université est le fruit de plusieurs aptitudes telles que les origines
    socio-culturelles, l’environnement familial, les ressources financières, le choix des
    filières dans le secondaire, le niveau de l’école secondaire, et surtout la capacité
    d’adaptation à l’enseignement supérieur en ce compris le développement d’une
    méthode de travail. A cet effet, diverses études scientifiques ont démontré qu’il était
    difficile/impossible de prédire, à l’entrée, la réussite académique future de
    l’étudiant puisque bien que « promis à la réussite », une part non négligeable des
    étudiants aura besoin d’une période transitoire d’adaptation et éventuellement de
    remédiations pour trouver ses marques et tendre vers la réussite3-5.
    3. Lorsqu’on se concentre sur la « prédictibilité » d’un examen d’entrée en médecine
    basé sur des sciences fondamentales, sur le plan de la réussite finale et professionnelle
    les conclusions d’un très grand nombre d’études scientifiques ont révélé des résultats
    surprenants et alarmants :
    I) à l’heure actuelle, nous ne disposons d’aucune preuve scientifique quant à
    une corrélation positive entre les résultats à l’examen d’entrée et la
    réussite finale et professionnelle6, 7 ;
    II) pire, certaines études ont démontré une relation inversement proportionnelle
    entre la réussite de l’examen d’entrée et les compétences cognitives de réussite
    professionnelle : les compétences impliquant une maîtrise théorique et/ou
    technique des matières médicales, les compétences en relations
    interpersonnelles, en empathie, et l’altruisme.
    De plus, ces derniers éléments, indispensables au médecin et qui se
    développent et se travaillent au cours des études, seraient difficiles à évaluer
    dans les systèmes à l’entrée 7-9.

    Un système de régulation le moins inégalitaire possible


    Conscient du risque actuel et futur d’inadéquation entre le nombre de numéros INAMI à
    la sortie, devant traduire les besoins pour la population, et au vu du nombre de médecins que
    nous formons dans nos facultés, le Conseil de la Jeunesse propose d’adapter le système
    actuel en janvier de première année de médecine de façon à éviter, à l’avenir,
    d’éventuels surnuméraires et de garantir un INAMI pour tous les étudiants. Cette
    adaptation impliquerait
    I) une flexibilité dans la régulation en janvier (flexibilité définie par les quotas
    fédéraux et les besoins, à l’instar de la flexibilité de l’examen d’entrée
    flamand),
    II) une possibilité d’étalement de la première année de façon à permettre aux
    étudiants qui en ont besoin une adaptation plus douce à l’Université,
    III) une possibilité de réorientation dans des cursus aux programmes similaires
    sans nécessité de redoublement (pharmacie, biologie, sciences biomédicales,
    kinésithérapie)

    Le tout en maintenant un test indicatif non contraignant suivi de possibilités de
    remédiation immédiates. Concernant ce test indicatif, le Conseil de la Jeunesse rappelle
    l’importance d’une évaluation de celui-ci et surtout une réflexion quant à la forme (contenu)
    qui le caractérise. Se basant sur le rythme de tout un chacun, un tel système permettrait
    un temps d’adaptation pour les étudiants arrivant à l’Université et constituerait un
    système de sélection flexible en fonction des besoins.
    Bien plus qu’un débat corporatiste, la question de l’obtention d’un numéro INAMI à tous les
    étudiants terminant leur cursus en médecine et dentisterie peut se résoudre sans devoir
    sacrifier à l’entrée un grand nombre d’étudiants capables de réussir tout en réfléchissant
    à un système de régulation plus juste. A cet effet, le Conseil de la Jeunesse est partisan
    d’une solution impliquant un système de régulation en janvier basé sur des quotas
    adaptés aux besoins de la population, tout en rappelant que les quotas initiaux, qui
    concernent encore nos étudiants à l’heure actuelle ne reposent sur aucun fondement solide et
    doivent être rapidement adaptés.

    Pour le Conseil de la Jeunesse,
    Jérôme LECHIEN
    Président
    Mail : Jerome.Lechien@umons.ac.be
    Tel. 0498/64.09.19

    1 : Statistiques du SPF Santé Publique du 31 décembre 2013 ; http://www.lalibre.be/actu/sciences-sante/un- medecin-generaliste-sur-deux-aplus- de-55-ans-53a464f73570c0e7433d9b3a
    2 : OCDE, étude PISA.
    3 : Lambert JP, 2001 ; https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/etes/documents/DOCH_119__Lambert_.pdf
    4 :Romainville ;http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1997_num_119_1_1169
    5 : Kempenaers C, Cogan E, Linkowski P. [How doessuccess in the 1st cycle of medicalschool relate to outcome in the 3rd doctorate?
    Behavior of 1st generationstudentsat the Brussels Free Universityunder the numerus clausus].Rev Med Brux. 2006 ; 27(1):16-20.
    6 : Barr, 2010 ; Science as superstition: selectingmedicalstudents.Lancet. 2010 ; 28;376(9742):678-9.
    7 : Gough G. Somepredictive implications of premedicalscientificcompetence and preferences. J Med Educ1978; 53: 291.
    8 : Witkin HA, Goodenough DR. Field dependence and interpersonalbehavior. Psychological Bull 1977; 84: 661.
    9 : utton PJ. Psychometric test resultsassociatedwithhighachievement in basic science components of a medical curriculum. Acad Med 1996;
    71: 181–86.