Avis officiels et positions

    Position politique du Conseil de la Jeunesse sur la majorité numérique

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    2018 / 02 / 13

    26/05/2016

    Après quatre années de négociations, la Commission, le Parlement et le Conseil européens ont abouti à une proposition de résolution visant à interdire l’utilisation des réseaux sociaux avant 16 ans, en imposant un contrôle parental systématique. Pour lutter contre le cyber-harcèlement, la pédophilie et la radicalisation, ces trois institutions européennes comptent limiter l’accès des jeunes aux sites requérant des données personnelles. Pour le Conseil de la Jeunesse, limiter n’est pas éduquer.

    À l’heure actuelle, plusieurs outils (règles en matière de confidentialité et de vie privée, droit à l’oubli et à l’image) tentent d’encadrer l’usage de ces réseaux en ligne sans que les risques et dérives liés à leur utilisation ne soient vraiment écartés. Néanmoins, partant du constat que les réseaux sociaux font partie intégrante de la vie des jeunes à l’heure actuelle, le Conseil de la Jeunesse préconise d’encadrer ce fait social de manière judicieuse plutôt que de l’interdire.

    Internet, et plus particulièrement les réseaux sociaux, constituent une fenêtre vers la participation et l’émergence de nouvelles formes de citoyenneté. Par ces biais, les jeunes peuvent notamment donner leur opinion, débattre, entretenir des contacts avec d’autres jeunes, s’ouvrir au monde et développer ainsi leur capital social. Les réseaux sociaux permettent une plus large manifestation de la liberté d’expression. Dans certains cas, ils deviennent même un moyen d’aide pour des jeunes fragilisés qui peuvent exprimer plus facilement leur détresse via ces canaux, comme en témoignent certaines associations.

    Par ailleurs, les réseaux sociaux ne sont pas un canal à isoler des autres moyens de communication. Les informations diffusées via ces réseaux, qu’elles soient positives ou négatives, demeurent consultables sur Internet par les utilisateurs. Des discours de haine ont toujours existé, et pas uniquement sur les réseaux sociaux ou chez les jeunes. Seulement, avec les réseaux sociaux, les utilisateurs les emportent avec eux à la maison et ces discours peuvent prendre parfois des dimensions extrêmes, voire destructrices. Les jeunes sont aujourd’hui dotés d’un puissant outil de socialisation mais n’ont reçu aucune directive pour l’utiliser à bon escient.

    Pour le Conseil de la Jeunesse, interdire l’utilisation des réseaux sociaux en-dessous de 16 ans sans autorisation parentale est une mesure qui sera inefficace voire dangereuse. Au mieux, les jeunes trouveront le moyen de se connecter sur Facebook, Twitter ou autre (en changeant simplement leur âge). Au pire, ils se tourneront vers des réseaux sociaux moins officiels dont les règles et contenus s’éloignent encore plus des radars parentaux, scolaires ou juridiques. Le phénomène d’addiction des jeunes aux réseaux sociaux dépend plus particulièrement du cercle familial et scolaire ainsi que des normes sociales acceptées par ces groupes.

    Rappelons également que vouloir limiter ou interdire sur base du seul critère de l’âge est une idéologie politique remise en cause à plusieurs reprises par le Conseil de la Jeunesse (majorité sexuelle, majorité électorale, sanctions administratives communales). Si l’âge constitue une référence claire pour les législations, il ne reflète cependant pas une réalité universelle pour tous les jeunes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Belgique et encore moins de l’Europe. Une utilisation saine des réseaux sociaux dépend principalement de l’information, de l’éducation et de la formation reçues par les jeunes utilisateurs.

    Le véritable enjeu se trouve donc dans la manière dont les jeunes utilisent les réseaux sociaux. Éviter le cyber-harcèlement et être capable de le dénoncer, ne pas tomber dans des discours haineux ou racistes, éviter d’être entrainé dans toute forme de radicalisation, seront possibles grâce à la capacité qu’auront les jeunes à développer leur esprit critique face à l’utilisation des réseaux sociaux et des médias de manière générale. Miser sur l’éducation aux médias et plus particulièrement sur l’utilisation des réseaux sociaux est une solution plus ambitieuse engageant une vision long-terme par le monde politique. Quand on sait que plus d’un jeune sur deux ne pourrait pas être heureux sans Internet1 et que plus de 80 % des jeunes n’ont pas confiance dans les médias2, transformer ce paradoxe en défi éducatif semble aller de soi.

    Pour ce faire, des campagnes d’information et de sensibilisation à l’utilisation des réseaux sociaux doivent être mises en place et/ou promues dans les écoles, les associations et les organisations de jeunesse afin de permettre à chaque jeune de bénéficier des mêmes outils et ressources lorsqu’il se rend sur Internet. Ce thème pourrait notamment faire l’objet de sessions spécifiques dans le cadre du prochain cours de citoyenneté dont les référentiels sont en voie de finalisation. Refuser une intervention paternaliste émanant de l’Europe et donner l’opportunité aux jeunes d’apprendre à utiliser les réseaux sociaux sont les voies préconisées par le Conseil de la Jeunesse.

    En conclusion, le Conseil de la Jeunesse tient à souligner l’omniprésence des réseaux sociaux chez les jeunes dans notre société devenue ultra-connectée et considère que le relèvement de la majorité numérique à 16 ans n’a pas de sens.

    Faire de l’éducation aux médias une priorité dans l’enseignement formel et non-formel est une alternative plus sensée qui permettra d’éviter les risques et dérives pour lesquels les institutions européennes tentent actuellement de légiférer.

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