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    Le Forum des Jeunes à la conférence « Pour quoi travailler demain ? »

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    2023 / 03 / 22

    Contextualisation

    Marie-Esther et Antoine, membres du Forum des Jeunes, ont participé à la Conférence « Pour quoi travailler demain? » organisé par Etopia (10.03)

    Entouré·e·s par le Président de la Mission régionale pour l’Insertion et l’Emploi à Charleroi et par la Directrice du VentureLab, Antoine et Marie-Esther ont pu exprimer la réalité des jeunes face au marché de l’emploi aujourd’hui, leurs besoins et leur vision concernant l’emploi de demain,, en lien avec la numérisation de l’emploi et la transition écologique nécessaire. Découvrez leur intervention ci-dessous : 

    Et si nous perdions notre vie à la gagner ?

    Bonsoir à toutes et tous, nous sommes Marie-Esther et Antoine, délégués, bénévoles, au Forum des Jeunes, l’organe de représentation officiel des jeunes en Fédération WB. Merci à Etopia de nous avoir convié aujourd’hui pour discuter de cette thématique on ne peut plus importante pour les jeunes « Pourquoi travailler demain ». 

    Vous souvenez-vous de ces images d’étudiants d’AgroParisTech, et d’autres universités, l’été dernier, qui durant leur discours de proclamation, ont rejeté et dénoncé les pratiques d’enseignement de leurs écoles plus du tout en adéquation avec les enjeux environnementaux actuels?  A travers cette action, ils ont annoncé vouloir se tourner vers des professions respectueuses du vivant, à mille lieux de ce que ces grandes écoles leur avaient enseigné et la voie toute tracée qu’elle leur dessinait. 

    On a tous également dans notre entourage un ami, un parent, un collègue qui, quel que soit son âge et ses origines, a décidé d’arrêter ses études ou de changer de métier, n’y trouvant plus de sens ou parce que cela n’était plus en adéquation avec ses valeurs. Depuis quelques années, nombreux sont ceux qui questionnent leur rapport au travail. 

    La crise du COVID-19 a accéléré cette tendance. Les sociologues ont appelé ce phénomène la grande démission: selon eux, la pandémie aurait accentué la prise de conscience que la rémunération était sans aucun lien avec l’importance des fonctions exercées dans l’économie. Les métiers essentiels ont continué à travailler, dans des conditions précaires d’un point de vue sanitaire, alors qu’il s’agit de métiers mal reconnus et mal payés, pendant que la finance a continué à prospérer. Les gens ont cessé de croire au discours sur la méritocratie et la société de marché et n’ont plus voulu alimenter cette fiction, provoquant leur démission. Des millions de travailleurs ont donc décidé de quitter leur boulot parce qu’ils n’y trouvaient plus de sens ou parce qu’ils estimaient recevoir trop peu en retour de ce qu’ils investissaient dans leur travail. On assiste à une demande de plus en plus forte des travailleurs de voir leur entreprise ou l’organisation dans laquelle ils travaillent beaucoup plus en adéquation avec leurs valeurs, valeurs de respect, de reconnaissance, mais aussi, s’engager pour lutter contre le changement climatique et les inégalités sociales.

    La tendance est particulièrement marquée chez les moins de 25 ans. Selon le secrétariat social Acerta, un jeune sur dix a quitté son employeur en 2022. C’est deux fois plus que les années précédentes.

    Mais est-ce une Utopie ? Un Phénomène de mode ? 

    Est-ce que cette recherche de sens concerne tous les jeunes ou est-ce uniquement le cas de quelques privilégiés ?

    Avec le Forum des Jeunes, nous nous sommes penchés sur la question. D’autant plus qu’en tant que jeunes, nous sommes un des publics qui rencontrent le plus de difficulté sur le marché de l’emploi et sommes la variable d’ajustement surtout en cas de crise. En effet, les jeunes représentent la part de la population la plus touchée par le chômage en Belgique. Ils représentent souvent les travailleurs recruté·e·s le plus récemment et ils occupent les emplois les plus précaires, occupant également les secteurs touchés en cas de crises, tels que l’HORECA ou l’intérim. Souvent les 1ers à perdre un emploi, ce sont aussi eux qui bénéficient d’un accès limité aux allocations de chômage. Ils sont les plus susceptibles de tomber dans la précarité.

    Et pourtant nous sommes  rarement inclus dans les discussions concernant le futur de ce secteur. Pour construire un avenir durable, juste et inclusif à l’emploi, particulièrement pour les jeunes, c’est dès maintenant que les gouvernements et les institutions doivent aborder ces problèmes.

    Au Forum des Jeunes, nous réalisons de nombreuses consultations (quantitatives et qualitatives) afin de connaître les réalités des jeunes, leurs besoins et surtout leurs demandes. C’est sur base des résultats de ces nombreuses consultations que nous réalisons ensuite un travail de plaidoyer auprès des décideurs politiques. Nous portons leurs voix afin de faire bouger les choses pour les jeunes ! 

    Nous avons donc menés de nombreuses enquêtes ces dernières années auprès de publics divers et variés, aussi autour de la question du travail et plus largement à travers notre mémorandum « être jeune en 2021 », qui était une récolte de la parole des jeunes, sous forme de focus group, en plein pendant la crise sanitaire, afin de connaître leurs réalités de vie, notamment face à l’emploi.

    Plusieurs éléments clés sont ressortis de ces enquêtes :

    Premièrement, en tant que jeunes, nous souhaitons une entrée plus sécurisée sur le marché de l’emploi. Les jeunes consultés  considèrent que les critères restrictifs d’accès aux allocations d’insertion poussent les jeunes à accepter un premier emploi rapidement, en ne portant pas ou peu attention à la qualité du travail (qualifications demandées, sens du travail, intérêt, etc.) 

    Ensuite les jeunes aspirent à s’épanouir dans leur travail.  

    A travers une enquête menée en 2019 sur plus de 800 jeunes, plus d’un jeune sur 2 sondés privilégient un travail épanouissant et passionnant même s’il est moins bien payé. Il ne s’agit pas de travailler « pour travailler » ou pour « gagner sa vie », mais il s’agit d’abord de travailler pour s’épanouir et se développer. Dans le même sens, plus de la moitié des jeunes interrogés estiment important d’avoir un travail qui permet d’évoluer, de découvrir de nouvelles choses. C’est d’abord le travail « pour soi », que ce soit pour l’épanouissement qu’il procure ou pour le temps libre qu’il laisse, qui est privilégié.  

    Par ailleurs, pour une grande partie des jeunes, son futur travail doit être utile à la société et/ou à la planète. Si le travail est important aux yeux de tous les jeunes, ce n’est pas en tant que devoir, ni seulement en tant que contrainte et nécessité matérielle. C’est d’abord comme une aspiration à la réalisation de soi. Pour finir, plus de la moitié des jeunes interrogés veulent également un travail qui leur laisse du temps pour eux, leur entourage et leurs activités « hors travail». 

    Troisièmement, nous avons mis en évidence les obstacles liés à l’accès à l’emploi des jeunes. Les jeunes subissent en effet différentes discriminations, dont une qui leur est inhérente: celle liée à leur âge. Une majorité des jeunes interrogés considèrent qu’avoir une expérience préalable est un des facteurs les plus importants pour trouver un emploi. Or, le manque d’expérience est intimement lié au fait d’être jeune, ce dernier constitue donc un des plus gros obstacles à l’embauche. Ce qui nous vient à insister sur l’importance de garantir et valoriser l’acquisition d’expérience des jeunes à travers leurs parcours de vie. Une grande partie des jeunes interrogés pointent le manque de reconnaissance des compétences acquises en dehors des études et/ou du monde professionnel comme barrières à l’accès à l’emploi. Ils pensent également que leurs études ne les préparent pas suffisamment au marché de l’emploi et qu’elles sont souvent trop théoriques.

    Enfin, un des derniers points qui ressort de notre enquête, c’est la nécessité d’assurer la maîtrise des nouvelles technologies. 1 jeune interrogé sur 2 considère avoir besoin d’être mieux formé·e pour s’adapter à ces nouvelles technologies. C’est d’autant plus important, car selon Nicolas Hazard à l’initiative d’un groupe soutenant les entreprises innovantes, 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore, en raison de l’explosion du secteur numérique et des high-tech. 

    En conclusion, il est urgent de réinventer  le monde du travail et de l’entreprise de demain. Mais il est également urgent de se poser la question du travail dans le prisme de la triple crise planétaire à laquelle nous faisons face. Nous devons nous interroger sur la manière dont nous produisons et penser à la réduction de ces productions afin de ne pas dépasser les limites planétaires. Ces limites planétaires, c’est ce qui met directement en danger notre vie. Cela passera peut-être par une réduction du temps de travail ? Le débat est ouvert…

    Discours de clôture 

    Les jeunes souhaitent développer des compétences qui leur permettront de trouver un emploi à la sortie de leurs études et ainsi avoir un profil qui corresponde au marché de l’emploi actuel. Ainsi, l’enseignement doit contribuer à développer l’esprit critique des jeunes et former les citoyennes et citoyens de demain et, à la fois, apporter aux jeunes des compétences, notamment liées au numérique mais aussi en termes de durabilité d’emploi, qui répondent aux défis actuels et futurs. Il faut également revaloriser certains emplois essentiels, car ils souffrent d’une mauvaise représentation dans la société et connaissent des pénuries de main-d’œuvre. 

    Des interventions politiques spécifiques à la jeunesse et inclusives sont cruciales pour garantir que les jeunes ne soient pas laissés à l’abandon sur le marché de l’emploi. Les politiques doivent tenir compte de l’évolution du rôle et de la valeur du travail dans notre société et de ce que les jeunes souhaitent qu’ils soient. La vision qu’ont les jeunes du travail est étayée par certaines valeurs clés telles que le droit de toute personne à un revenu, l’importance de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le fait d’avoir un emploi valorisant et de qualité, et la possibilité de contribuer à la société d’une autre manière que par l’emploi.

    De manière générale, nous plaidons au Forum des Jeunes pour garantir la présence des jeunes et des organisations de jeunesse dans le dialogue politique et avec la société civile concernant l’avenir de l’emploi. La Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles se sont engagées à « mettre les citoyens au cœur de l’ensemble des processus de décision, tant au niveau régional que local » à travers leur Déclaration de Politique. Nous espérons que cet engagement se traduira concrètement par l’intégration des jeunes aux processus décisionnels.

    PLAIDOYER DU FORUM DES JEUNES : 

    • Assurer une transition juste vers des emplois qui répondent aux enjeux de demain, qui placent la durabilité au cœur de leur modèle, en investissant dans la formation des jeunes mais aussi les compétences et les ressources adéquates.

    ENSEIGNEMENT

    • Anticiper les compétences nécessaires à l’avenir en mettant à jour de manière continue les programmes de cours pour qu’ils correspondent à la réalité du secteur. 
    • Garantir l’apprentissage des compétences digitales et numériques dans l’Enseignement (secondaire et supérieur) et d’outils de communication.
    • Offrir aux jeunes des opportunités d’acquisition de compétences liés aux enjeux de demain et nécessaire sur le marché de l’emploi aujourd’hui.

    BIEN-ÊTRE

    • Mener une réflexion sur la diminution collective du temps de travail ET Adopter des politiques promouvant des contrats de travail flexibles pour permettre aux travailleurs d’avoir une véritable souveraineté sur leurs heures de travail et améliorer l’inclusivité dans l’environnement de travail sans diminuer le niveau de vie ou la qualité de l’emploi. 

    Merci à tous les deux et bravo pour votre intervention très réussie !