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    Agriculture et biodiversité

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    2020 / 09 / 22

    La biodiversité, c’est la variété des formes de vie sur terre. C’est le fruit de milliers d’années d’évolution et de sélection naturelle. Elle peut s’observer sur trois niveaux :

    1. la diversité des écosystèmes : diversité des interactions des populations entre elles et avec leur environnement ;
    2. la diversité spécifique : nombre, nature et abondance des espèces végétales, animales, et micro-organiques ;
    3. la diversité génétique : au sein de chaque espèce, différences entre les individus.

    Pourquoi la biodiversité est-elle importante ?

    La biodiversité assure la résilience des écosystèmes, c’est-à-dire leur capacité à rebondir en cas de choc et de s’adapter aux modifications de l’environnement. Par exemple, il ne restera rien d’une culture d’une variété unique de tomates si un parasite l’envahit ou si une sécheresse survient. Si, par contre, l’on cultive plusieurs variétés différentes sur un même terrain, certaines résisteront mieux aux aléas de l’environnement…

    La biodiversité nous rend aussi des services écosystémiques :

    • d’approvisionnement : la biodiversité fournit nourriture variée, matériaux de construction et médicaments ;
    • culturels : on admire la beauté du vivant pour le tourisme, la détente, nos loisirs, l’art, etc ;
    • de régulation : la biodiversité absorbe le CO2, régule le climat et les précipitations, prévient les inondations, maintient la qualité de l’eau et traite les déchets. C’est un équilibre fragile qui a mis des millénaires à s’installer ;
    • de soutien : la biodiversité crée tout simplement les conditions de la vie ! Sans biodiversité, pas de photosynthèse qui produit de l’oxygène, pas de terre, mais seulement des déserts, pas de cycle de l’eau ni de cycle des éléments nutritifs.

    État de la biodiversité et responsabilité des pratiques d’agriculture industrielle

    Chaque jour, la biodiversité disparaît un peu plus, à un rythme vraiment très alarmant.

    • Dans les milieux agricoles en Belgique, les populations d’oiseaux ont chuté de 45 % en 30 ans.
    • En moins d’un siècle, 75%[1] des variétés de fruits et légumes ont disparu de nos assiettes.
    • 40% [2]des espèces d’insecte sont en déclin et 80% de leur population ont disparu en Europe, alors que ceux-ci sont essentiels à l’équilibre et au développement de la biodiversité dans notre agriculture.

    Cet effondrement de la biodiversité est dû avant tout à l’utilisation que l’Homme fait des terres. Et l’un des premiers usages des terres est précisément l’agriculture. Chez nous, 45% de la surface de la Wallonie sont des terres agricoles. En pratiquant sur ces immenses espaces une agriculture industrielle pour toujours plus de rendement, on épuise les sols, on anéantit des espèces et on détruit l’environnement.

    L’agriculture intensive est directement et largement responsable de l’effondrement de la biodiversité

    Les pratiques agricoles industrielles dangereuses pour la biodiversité

    L’agriculture industrielle vise à produire toujours plus pour moins cher, ce qui pousse ces producteurs à adopter des pratiques aux lourdes conséquences pour la biodiversité des écosystèmes.

    • La monoculture consiste à ne cultiver qu’une seule variété sur de grands espaces. C’est plus facile de s’en occuper et plus rentable, mais ce type de culture est moins résilient. En plus, cela appauvrit notre alimentation : alors que 7 000 espèces de plantes ont été cultivées dans l’histoire de l’agriculture, seulement 30 cultures fournissent aujourd’hui 90% de l’alimentation mondiale.
    • Les pesticides sont utilisés pour lutter contre les parasites, champignons et autres “ravageurs”. Les produits actuellement déversés, en quantités excessives tuent tous les insectes sans distinction. Sachant que 75% des cultures alimentaires mondiales (fruits, légumes, café, cacao, etc) dépendent de la pollinisation par les insectes, c’est un danger direct pour notre sécurité alimentaire. La disparition des insectes affame aussi les oiseaux, qui disparaissent à leur tour.
    • Pour avoir de grandes surfaces cultivables, on coupe les arbres et les haies, on nivelle les sols, etc. Cette destruction des habitats a pour conséquence de priver les espèces de leur milieu naturel et qui donc sont vouées à disparaître. En détruisant les habitats des espèces sauvages, on entre aussi davantage en contact avec elles, ce qui peut déclencher des épidémies comme le Covid-19.
    • L’agriculture (et surtout l’élevage) est l’une des premières causes de déforestation dans le monde. Les forêts sont pourtant des réservoirs de biodiversité indispensables.
    • Les pratiques agricoles industrielles, comme l’utilisation massive d’engrais de synthèse, la déforestation, l’absence de période de repos de la terre, etc., provoquent la dégradation des sols. Résultat : la moitié des terres agricoles dans le monde sont aujourd’hui dégradées et ne sont donc plus cultivables.

    Focus sur les semences paysannes, catalogue, brevets

    Un domaine dans lequel la biodiversité à fort diminué ces dernières années, ce sont les semences ! Pour illustrer ce fait, voici quelques chiffres.

    • La diversité agricole qu’on connaissait il y a un siècle aurait disparu à 90% des champs des agriculteurs.
    • Plus de la moitié des semences mondiales est contrôlée par 3 entreprises : Syngenta, Dupont-Pioneer, et Bayer (qui a racheté Monsanto).
    • Aujourd’hui, 95 % des semences inscrites au Catalogue sont hybrides et bien souvent stériles.

    Alors que la préservation de la biodiversité est considérée comme un enjeu essentiel du développement durable, le cadre juridique concernant les semences ne semble pas aller dans ce sens : il interdit aux agriculteurs de cultiver librement les variétés de leur choix.

    Faisons le point sur les 2 outils juridiques en cause :
    1. Les brevets : ils protègent une invention. Ils ne concernent donc pas les espèces naturelles, mais bien tous les OGM. Ceux-ci appartiennent principalement aux mêmes entreprises qui produisent les pesticides contre lesquelles ils sont résistants.
    2. Le Certificat d’Obtention Végétale : il protège les variétés, et leur permet d’entrer dans le Catalogue officiel des variétés. Pour obtenir un COV – sans lequel une variété ne peut pas être commercialisée – la semence doit répondre à 3 critères. Il faut d’abord qu’elle soit bien distincte des autres, ensuite que toutes les plantes au sein de cette espèce soient homogènes, et enfin qu’elle ait une certaine stabilité, pour pouvoir entrer dans le Catalogue de variétés. Il est également à propos de préciser que le prix d’inscription au Catalogue est de 500€ en moyenne par variété ! On comprend donc facilement que les semences paysannes ont du mal à trouver leur place dans ce Catalogue, ce qui empêche les petits producteurs de les commercialiser légalement, tandis que les grandes multinationales n’en tirent que du profit.
    Mais attention, ce n’est pas tout !

    La quasi-totalité des semences commercialisées sont soit des semences hybrides F1, soit des OGM terminator [3] . Ils sont donc souvent stériles ou à très faible rendement s’ils sont replantés. Cela oblige donc les agriculteurs à racheter chaque année leurs semences aux grandes entreprises ! Et cela rend notre système alimentaire donc totalement dépendant de l’économie et des énergies fossiles, indispensables pour faire tourner les multinationales.

    De quoi se poser des questions…

    Les solutions

    L’effondrement de la biodiversité est donc directement et largement causé par une logique d’industrialisation de l’agriculture. Que faire pour sortir de ce modèle ?

    • Commence par t’intéresser à ce qu’il y a dans ton assiette, et aux variétés bien de chez nous que tu peux découvrir grâce à des initiatives de préservation du patrimoine de biodiversité comme Semaille (près de Namur), Cycle en Terre (Havelange), ou Semance (Bruxelles).
    • Privilégie la consommation de produits respectueux de la biodiversité : tu peux te fier au label Bio européen (tu trouveras plus d’info dans notre fiche sur les labels) ou faire tes courses chez le maraîcher du coin en t’intéressant à ses méthodes d’agriculture.
    • Lance-toi dans un potager chez toi ou partagé avec les gens de ton quartier
    • Plus généralement, il faut modifier nos méthodes d’agriculture, pour aller vers un système agro-écologique qui fait de la biodiversité une alliée plutôt qu’un ennemi à combattre (voir notre prochaine fiche info !). Les politiques agricoles européennes et wallonnes ont ici un rôle très important à jouer pour inciter les agriculteurs à préserver la biodiversité (en gardant des prairies, des haies, en diminuant les pesticides, etc) plutôt que de les pousser à produire en grande quantité, comme c’est le cas actuellement.

    Tu veux en savoir plus ?


    [1] http://www.fao.org/3/y5956f/Y5956F03.htm

    [2] Selon une étude publiée 10 février 2019 dans la revue Biological Conservation

    [3] http://www.ogm.gouv.qc.ca/ogm_chiffres/importance_cultures.html